Le surdon raconté par l’exemple (1)

Exercice de gestion des émotions en grandeur réelle hier.

Introduction

Sur Europe 1, Faustine Bollaert, qui anime l’émission « Et si c’était ça le bonheur » avait invité Jeanne Siaud Facchin pour parler des adultes surdoués.  Et j’ai été contactée par l’un de ses assistants pour intervenir en direct à l’antenne, parce que j’ai écrit un livre sur le sujet.

Chapitre 1 : Où l’anticipation anxieuse et le perfectionnisme pointent leur nez

Non, clairement, je ne jouais pas ma vie comme me l’a fort gentiment fait remarquer quelqu’un.

Pour autant… Savoir que le temps est compté, et que donc chaque mot va avoir son importance. Délivrer les bons messages, dire en quelques mots simples ce qui est si complexe… Combien il a été difficile de gérer ce stress émotionnel intense. En fait, je n’ai cessé d’y penser depuis mardi après-midi où j’ai été contactée.

J’ai écrit ce livre pour attirer l’attention sur ceux qui ont renoncé à dire et pour qui cet enfermement est si difficile à vivre, d’autant plus qu’il est si peu perçu.

Trois minutes avant que l’antenne ne me soit donnée, j’ai su ce qui allait m’être demandé : en quoi écrire mon livre m’avait aidé, ce que le fait d’avoir su que j’étais surdouée avait changé dans ma vie, avec mon entourage et dans ma vie professionnelle.

Aïe ! Dire en quoi rédiger mon livre m’avait aidé, ça, encore, ça allait… J’ai pu dire que j’avais mieux compris en recourant à la neurophysiologie, car la « simple » approche psychologique est insuffisante et souvent remise en cause.

J’ai pu dire que ça m’avait aidée à me déculpabiliser en pouvant expliquer « je n’y peux rien : je suis dessinée comme ça ».

.. J’ai pu dire aussi que pour autant, se complaire dans le « je n’y peux rien je suis dessinée comme ça » ne servait pas à grand-chose, et qu’il fallait arrêter d’imaginer qu’être surdoué était une malédiction (une réflexion qui m’avait été gentiment glissée quelques instant avant que je n’intervienne).

Mais ce que me savoir surdouée avait changé avec mon entourage ? Rien ! Si ce n’est que j’y ai trouvé des amis, à la faveur du chat. Evidement, c’est non négligeable, mais quelque chose me dit que ce n’était pas la réponse attendue…

… Et savoir ce que ça avait changé dans ma vie professionnelle ? Rien, tout était écroulé à ce moment là et me savoir surdouée ne m’avait rien apporté, puisque je ne savais pas ce qu’en était le mécanisme… Et le livre de Jeanne Siaud Facchin sur les enfants que j’avais lu (son livre sur les adultes devait paraître 5 ans plus tard), s’il m’avait permis de comprendre le décalage que je ressentais, ne m’avait pas pour autant donné de pistes pour m’en sortir (Bon, là il est également possible que je n‘ai pas donné la réponse attendue, puisqu’il y avait Jeanne en studio…).

Chapitre II : Dans lequel le besoin de précision se vérifie

Je tiens d’ailleurs à dire une chose qui m’a beaucoup surprise : j’ai été accueillie en m’entendant dire que j’avais été une patiente de Jeanne Siaud Facchin.

Euh…

J’ai rectifié : c’est parce que l’un de mes enfants (qu’elle a sauvé, je n’en disconviendrai jamais) avait été reçu par elle en consultation que je l’ai rencontrée (lui suggérant d’ailleurs au passage – on était en avril 2003 – d’écrire un livre sur les adultes surdoués pour compléter celui sur les enfants – j’étais encore bien loin de penser à rédiger le mien).

…. Bon, allez, je vous dis tout quand même, parce qu’être accueillie de la sorte (ça fait pas partie du secret professionnel ça, de ne pas révéler le nom de ses patients ?), ça m’a moyennement plu : Oui, effectivement, j’ai eu quelques séances avec l’une des psychologues qui faisait partie de l’équipe de Cogitoz – c’était en 2003 ou 2004. Mais je fais partie des clients à qui l’approche Cogitoz n’a pas convenu.

« Vous ne pouvez pas comprendre » – C’est comme ça que j’ai annoncé que j’arrêtais l’accompagnement. J’avais en face de moi quelqu’un de très bonne volonté, mais qui, clairement, ne comprenait pas, et qui commençait à me sortir des trucs beaucoup trop inconsistants par rapport à mes attentes. En un mot comme en cent : elle était à côté de la plaque et ne m’a pas fait avancer.

J’ai commencé ma propre recherche quelques mois plus tard.

Chapitre III : Où la complexité se confirme

… Dans l’émission à laquelle j’ai participé aujourd’hui, il y a aussi tout ce que je n’ai pas pu dire : que tout n’est pas si simple que ça, qu’il n’y a pas que la vie professionnelle qu’il faut prendre en compte,

Que ce n’est pas parce qu’on est surdoué que soudain, tous les soucis s’effacent comme par enchantement (merveilleux cette avocate qui a tout laissé tomber pour se consacrer à la création… mais est-ce vraiment donné à tout le monde ?)

Que tous les surdoués ne sont pas épris de justice et parés de toutes les qualités et… mais on n’est pas chez les bisounours enfin !

Les surdoués sont des gens « comme tout le monde » avec « simplement » une manière de fonctionner différente : il est important de le savoir, d’apprendre à communiquer avec ceux qui ne le sont pas.

Mais surtout, je crois que j’aurais juste aimé qu’on me demande ce qu’il y a de bien à être surdoué, sans le restreindre au seul monde professionnel.

… Je crois que j’aurais aussi aimé que la journaliste (au demeurant charmante et pas agressive comme j’ai pu le constater avec d’autres présentateurs dont j’ai regardé la performance) ait eu le temps d’au moins parcourir mon bouquin ou qu’on lui en fasse une fiche de lecture.

Conclusion

Démystifier le surdon est extrêmement important et Jeanne Siaud Facchin le fait très bien. Elle a un talent marketing et de communicante remarquable.
Mais je constate qu’il y a encore beaucoup de boulot pour que le sujet des surdoués soit traité de façon moins sensationnelle.

Penser à ceux dont le résultat du test ne dit pas qu’ils sont surdoués (et il y a plein de raisons pour ça).

Penser à ceux qui souffrent de végéter et ont appris à se taire.

… Penser à ceux qui n’ont (apparemment) jamais été précoces.

A participer à cette émission, j’ai définitivement compris pourquoi je n’aime pas les zoos. Je vous demande d’avoir une pensée pour les animaux que l’on exhibe…

Epilogue

L’émission passée j’ai décompensé. J’ai eu une irrépressible envie d’aller dormir : l’accumulation d’émotions avait eu raison de moi. Il fallait que je fasse retraite, au calme, pour désaturer. En fait, je vous avoue tout : je n’ai pas dormi pendant deux jours d’affilée, inquiète de ne pas être à la hauteur des attentes de tous ceux qui se sont reconnus dans mon témoignage…

Le podcast de l’émission « Et si c’était ça le bonheur ? » consacrée aux adultes surdoués

9 thoughts on “Le surdon raconté par l’exemple (1)

  1. Mille merci pour toutes vos recherches, pour ce blog, et probablement pour votre livre (que je n’ai pas lu puisque j’ai découvert votre site il y a deux jours).

    Je confirme les avis des uns et des autres, votre intervention dans cette émission était très bien, trois minutes efficaces. J’ai lu le livre de JSF lorsque j’ai appris par hasard les raisons de ce que je croyais être « ma folie » (confirmé deux ans plus tard par un bilan, 2 bonnes années pour avoir le courage d’oser envisager que j’ « en sois »). Son livre m’avait fait du bien, au moins parce qu’il me disait que je n’étais pas folle, mais… mais pas très optimiste, quand même. Il m’avait laissé sur une grande angoisse : ok, je suis zèbre, mais comment faire pour être zèbre et bien dans ses baskets ? Marre de vivre comme un chien ! Les réponses de JSF ne m’avaient pas convenu, trop générales.

    D’où le « mille mercis » du début de mon message. Je crois que j’ai lu 80% ce que vous avez publié sur ce site, et ces posts me font beaucoup de bien. Comprendre enfin le « sens » de mes phases de dépression, découvrir la désintégration positive de Dabrowski, etc., me soulage grandement. (Et ce n’est pas faute d’avoir cherché dans des tonnes de livres de développement personnel… ;o) Oui, tout ça a un sens, et manifestement un but ! Oui, c’est « normal » – à la « norme des zèbres ».
    Ouf….

    1. A moi de vous dire merci Katia – car savoir que grâce à mon travail d’autres sont soulagés est pour moi l’une des plus belles récompenses qui soit.
      Merci de votre message

  2. bah je l’ai écoutée d’une oreille hier soir, cette émission, j’ai trouvé ça très bien ! j’imagine à quel point ce doit être dur, j’en serais incapable ! paralysée et muette, voilà comment j’aurais été, à ta place ! d’ailleurs, j’aurais refusé et ç’aurait été dommage 😉

    merci pour le livre, c’est un beau cadeau, j’y retrouve compilés tous ces indices qui m’avaient fait comprendre qui je suis l’an dernier, indices éparpillés au fil des forums, ici regroupés clairement (et pi c’est plus sérieux quand ça vient d’un livre que d’internet)

    et j’en trouve aussi bcp d’autres (ah, le sensibilité à la lumière, au bruit, à l’agitation, ça en fait partie aussi ?! et tant d’autres ; ah lala…)

  3. Je n’ai pas encore écouté le pod cast de l’émission mais j’ai lu les livres de JSF et le livre de Cécile. Ce dernier est celui qui a été un révélateur !!! Déjà avec celui de JSF, j’ai ressenti une étrange sensation. Mais avec le livre de Cécile ce fut la révélation. pour la première fois de ma vie : je comprends et j’accepte. Je pense mais ça ne me fait plus aussi mal. Je m’ennuie mais je me sens … reliée. ET enfin, je ne me pose plus la question : comment on fait pour vivre ? Comment font les autres pour « savoir » comment on vit ? Je sais que maintenant je peux vivre à ma manière, que c’est normal que je ne conçoive pas mes journées commes les autres, que j’ai le droit … et je me sens heureuse. Merci Cécile.
    je n’ai plus qu’à reconstruire le puzzle, redonner du sens aux épisodes et enfin laisser libre cours à ce que je suis. Les « autres » n’ont qu’à bien se tenir.
    Merci Cécile, ce livre est un vrai message d’espoir !

  4. Bonjour

    je confirme ce qu’à dit Sun… vous avez été très bien. Tellement bien qu’à peine l’émission finie j’ai commandé votre livre. Reçu hier et terminé à l’instant, votre livre m’a semblé beaucoup plus clair et précis que celui de JSF. Il répond à beaucoup de mes questions. J’ai aussi beaucoup ri … je comprends enfin mes parties impulsives de Spider cell. Je me suis beaucoup reconnue dans les différents témoignages.

    Je fête aujourd’hui mes 34 ans et je sais depuis 1 mois 1/2 que ce tourbillon permanent dans ma tête s’explique. La lecture de votre livre m’a apaisée (j’espère pour quelque temps… mais honnêtement je n’y crois pas trop). Enfin maintenant je sais, je pourrai me raccrocher à cela. Je me sens moi seule.

    Une question cependant me taraude néanmoins : « comment peut on être sûr que les autres ils ne réfléchissent pas comme nous ». Parce que c’est cela, moi, qui me surprend. C’est de penser que les autres n’ont pas le même fonctionnement que moi/nous. Je ne l’avais jusqu’alors jamais soupçonné et pourtant cela pourrait expliquer bien des choses.

    Encore merci

    1. « comment peut on être sûr que les autres ils ne réfléchissent pas comme nous »
      Oui, je sais… mais pourtant.. comment expliquer ce sentiment régulier d’aridité autour de soi ?…
      Merci pour vos mots très réconfortants et pour votre témoignage.
      .. Et très bel anniversaire ! 🙂

  5. Cécile,
    Continue à être une « antenne d’émotion » …
    Ceux qui se reconnaîtront ne te remercieront jamais assez
    A+

  6. j’ai lu votre livre ainsi que celui de JSF, j’ai suivi et écouté avec attention l’émission.
    Vous avez été très bien, j’ai une fois enregistré un passage de plusieurs minutes pour une émission de télé concernant une de mes passions et je peux imaginer ce que vous avez ressenti et surtout la fatigue après. Quand j’avais accepté cet interview je ne connaissais pas ma particularité qui a été validée pour un de mes enfants qui sera prochainement pour son frère et moi. Il faut des gens comme vous pour en parler car pour moi c’est un enfer et je souhaite de tout mon coeur à nos enfants que leur avenir soit plus aisé et qu’ils puissent ne pas avoir honte.

    J’ai entendu dans les discours de JSF le désire de s’occuper des autres, ceux qui ont réussis avec cette particuliarité et j’ai peur que « les autres » soient encore délaissés (surtout ceux qui comme vous l’avez écrit  » l’approche de cogitoz ne convienne pas »).

    Bravo encore .

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