Pourquoi il est franchement plus facile de seulement rêver des super héros

Extrait de « A la gloire de Clark Kent »  (… Messieurs, dans le texte qui suit, voudrez vous bien remplacer Superman, par Wonderwoman et adapter quelques situations ?…)

« Imaginez que vous vous apprêtez à passer une soirée au restaurant avec Superman. Il se présente à votre porte avec des fleurs, mais sa poigne est telle que les tiges en sont complètement écrasées. Comme il peut voler, il n’a pas besoin de voiture pour aller au restaurant. Donc vous vous accrochez à ses épaules. Et au lieu de passer un moment à converser agréablement ou à écouter de la musique, vous passez tout le temps du trajet à esquiver les déjections de pigeon.

Au moment d’entrer au restaurant, Superman vous glisse « Très jolis ces sous-vêtements ». Vous réalisez qu’il a utilisé ses rayons X pour envahir votre intimité.

Soudain, il tousse, et son super souffle vous envoie vous écraser contre un mur. Alors que vous vous relevez avec peine, vous comprenez à la grimace qui barre son visage que son super flair lui a fait détecter l’ail que vous avez mangé à midi.

Au cours du repas, il utilise son pouvoir de vision thermique pour améliorer la cuisson de son steak, pas assez cuit à son goût. Mais la puissance est telle qu’il déclenche un incendie dans le restaurant.

A la fin du repas, grâce à sa mémoire absolue, il peut reprendre le garçon sur une différence de prix entre la carte et l’addition.

A la fin de la soirée, vous décidez que vous ne sortirez plus jamais avec Superman. »

Dans la réalité quotidienne il est en fait plus facile de vivre avec Clark Kent.  Et dans la réalité, la plupart des superhéros, tels Bruce Wayne et Diana Price passent plus de temps à se fondre dans la masse que dans leur costume de superhéros(ine). Ils ont appris qu’ils ne pouvaient vivre en permanence à pleine capacité. Ils ont aussi appris qu’il y avait des moments où ils pouvaient être eux-mêmes.

L’enjeu est le même pour un surdoué : détecter les moments où il/elle peut être lui/elle-même.

Et, pour mieux supporter tous les moments où il est préférable de ne pas se montrer à pleine capacité, il est important de mettre en place des activités nourrissantes (fondées sur la créativité) en même temps que des activités au contact de ceux qui ne sont pas surdoués pour en apprendre les implicites. Un peu comme une seconde langue.

Un peu plus compliqué quand on est adulte que lorsqu’on est enfant. Mais alors, en société, s’efforcer de se penser en acteur de théâtre ou de film et jouer un rôle. Ce n’est pas se répudier (le fameux faux self). Ce n’est pas se compromettre.

C’est se préserver.

 

 « In Praise of Clark Kent: Creative Metacognition and the Importance of Teaching Kids When (Not) to Be Creative » – J.C. Kaufman & R.A. Beghetto – Roeper Review Volume 35, Issue 3, 2013 – pages 155-165

14 thoughts on “Pourquoi il est franchement plus facile de seulement rêver des super héros

  1. Bonjour,

    J’ai un parcours un peu différent.
    Très longtemps il m’a semblé nécessaire de me « préserver », ne pas me montrer, ne pas être si brillant face aux autres. Et tout ceci m’a rendu malheureux. Je me cachais des « gens normaux » mais surtout des gens comme moi, ce qui a engendré une solitude assez prolongée.

    Il ‘n y a pas si longtemps j’ai décidé d’assumer complètement ce « statut » de HPI, sans l’arborer spécialement, mais juste de laisser libre cours à mes pensées. Ceux que ça brusquerait trouvent auprès de moi des réponses, et les autres acceptent parfaitement ce nouveau moi, beaucoup plus heureux et sûr de lui.

    J’ai été Clark Kent tout ma vie, aujourd’hui je suis Superman.

  2. Bonjour,

    Être soi ou ne pas l’être ?
    Contenir ou prendre le risque d’exister ?
    Rêver d’entreprendre ou entreprendre un rêve ?

    Des questions qui me taraude depuis quelques années…..les angoisses, les questions, le fait que des personnes désignent mon fonctionnement comme particulier (sans test), le déni, l’acceptation d’un début de quelque chose, la prise de décision…
    Je me suis fait peur et s’en est suivi une rencontre, à quelques centimètres, avec le point de rupture.
    Il est alors temps de prendre cette décision, celle qui refuse le sabotage contre soi, la contenance excessive des émotions et des perceptions, l’anesthésie, celle qui va acter concrètement un changement, bousculer et je l’espère me permettre d’être moi, complètement, sereinement.
    Une première étape, les démarches sont lancées, sont entreprises, rdv psy, sophrologue en cours, médecin… je suis terrorisée….que ça n’aboutisse pas, que ça aboutisse, que je ne sois pas assez forte,….mais je ne ferais pas marche arrière,…je veux prendre le risque d’exister, prendre le risque d’aimer qui je suis, d’expérimenter, de souffrir, d’apprendre, de changer, ressentir, grandir…

    je souhaitais seulement partager ça avec vous, j’ai découvert ici des personnes qui pouvaient penser, questionner, angoisser d’une certaine manière comme moi et être dans l’écoute et la bienveillance… ça porte, m’aide à avancer, même si je n’ai aucune légitimité à prétendre de compétences particulières, j’apprécie grandement d’avoir une place ici.

    Moesha

  3. Bonjour, j’ai beaucoup aimé cet extrait sur le « date » entre un.e super-héros.héroïne et un.e mortel.le. Mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec le raccourci fait sur le rendez-vous galant entre un.e surdoué.e et un.e pas surdoué.e. A mon avis il est possible d’être soi-même surdoué.e bien dans ses baskets et ne se cachant pas tout en étant délicat avec son entourage. Pas besoin de se cacher. Ce n’est pas parce qu’un.e zèbre l’est en public qu’il.elle est indélicat, froisse les susceptibilités, écrase tout le monde, ne prend pas en compte son entourage. Je ne peux pas toujours jouer un rôle, j’ai besoin d’être de plus en plus moi-même et authentique pour s’épanouir. Je sais cependant respecter des règles en société que je m’amuse à apprendre. Personnellement et en général je prône l’ouverture et le partage plutôt que la différence et la peur. Sans vouloir vous offenser. J’apprécie votre blog et un de vos livre que je lis. Bonne journée.
    Raphael

    1. Bien sûr, cette petite histoire est parfaitement caricaturale.
      Mais on peut être maladroit avec la meilleure volonté du monde et en veillant à être délicat(e).
      Un mot, une réactivité particulière, une réflexion…
      Dans la communication, on est toujours au moins deux : la « faute » n’incombe donc pas obligatoirement au surdoué, mais aussi à celui/celle qui est en face et qui peut, alors que son interlocuteur est animé(e) des meilleures intentions du monde, mal vivre la relation pour des raisons qui lui sont seules personnelles.

      1. Absolument d’accord avec vous, Cécile.

        Je confirme votre formule : « on peut être maladroit avec la meilleure volonté du monde et en veillant à être délicat », car même ce qui nous apparaît comme une délicatesse peut être perçu comme une « zébrure », sans compter que, comme vous le soulignez dans une autre réponse, les « HP » affrontent les mêmes limites et les mêmes difficultés de communication que les « NP » et que ce n’est simple et pleinement efficace pour personne.

        J’aime beaucoup votre analogie héroïque, même si elle est outrée (« son super souffle vous envoie vous écraser contre un mur », bigre, heureusement que je n’ai pas ce genre de pouvoir), et surtout la conclusion m’interpelle : « en société, s’efforcer de se penser en acteur de théâtre ou de film et jouer un rôle », car elle correspond aux changements d’état d’esprit que j’ai l’impression de mettre en place ces derniers temps (inspiré par 2 formules connues de Shakespeare* **).
        Et qui me gêne encore, car j’ai l’impression d’être un imposteur, de mentir à mon entourage, mais je vais essayer de me convaincre de ce que vous écrivez ensuite : « Ce n’est pas se répudier (le fameux faux self). Ce n’est pas se compromettre. C’est se préserver. »

        Et en fait, si c’était surtout : « être vraiment soi-même », au sens que toute personne ne trouve sa place dans le collectif qu’en y incarnant un rôle ? et qu’il s’agit surtout pour le HP d’endosser le bon, voire même d’utiliser son potentiel créatif à son bénéfice pour prendre en main son texte, (ré)écrire sa partie du scénario, organiser la mise en scène de ses répliques … et créer son propre bien-être, son bonheur, et par ricochet celui des autres tout autour ?

        * « Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. »
        ** « La vie est une ombre qui marche, un pauvre acteur qui se pavane et se trémousse une heure en scène, puis qu’on cesse d’entendre. »

  4. J’ai pris la métaphore comme une simplification drôle et accessible. Rassurante et positive aussi. J’allais dire à Cécile merci car ca va me servir avec les enfants. Mais je me retrouve en pleine discussion approfondie alors ça me semble bien léger d’un coup en tout cas vos réflexions sont nourrissantes merci aussi

  5. La difficulté, me semble-t-il, c’est que mes perceptions particulières me rendent certaines situations aussi gênantes qu’un caillou dans la chaussure et que je ne peux absolument pas le supporter. Faire semblant de ne pas avoir de caillou dans la chaussure et continuer de danser avec le sourire ? Euh… Impossible, désolée 🙁

  6. Bonjour,
    Votre métaphore est intéressante en ce qui concerne la distinction de différents états de perception et pour les expliquer, les mettre en évidence. Sauf que je suppose que chez le surdoué il n’y a pas deux états de personnalités distincts lesquels se déclencheraient dans certaines situations et pas d’autres. Un jour Wonder Woman, un autre Diana Prince. Au contraire, ces différentes manières d’être, qu’il est possible de comparer à des pouvoirs, pourquoi pas, sont permanentes non pas des états distincts.

    Et c’est bien cette disposition permanente qui complique tout parce que c’est un état naturel. Du coup, le surdoué se retrouve confronté à analyser deux mondes un peu à la manière de Socrate qui explique à Alcibiade : « Bon, maintenant que tu as compris que le monde est illusion. Essayons de savoir ce qui nous amène tant au vrai qu’au faux. » (pas la citation exacte mais le sens y est : indistinction / distinction de ce qui sépare l’un par rapport à l’autre).

    Il est certain que la réponse pragmatique : « plutôt que de trouver la vérité, essayons de savoir ce qui est vraisemblable » est tentante. Autrement dit : dans la vie quotidienne, il vaut mieux être Diana que Wonder.

    Mais, encore une fois, même en modérant l’attitude sociale, le vraisemblable plutôt que la vérité, le comportement naturel du surdoué, lui, est toujours là. Il s’adapte et, hop, toute attitude sociale se construit en mode Wonder même si la présentation se fait en mode Diana ; qu’on le veuille ou non.

    Cette construction-là m’échappe tout le temps même si je fais attention parce que c’est un état naturel et il m’est difficile de le masquer en permanence.

    Ce qui, en retour, déclenche chez l’autre des réponses compliquées ou auxquelles il ou elle ne peut répondre quand ce n’est pas une simple répétition tardive de ce qui a été dit avant (cela peut aller de quelques heures à plusieurs mois ou années).

    Voilà que la parole du surdoué, si je me donne ce rôle-là, devient presque un élément de la vérité même de la personne ou de la situation alors que le but était juste de faire preuve d’attention envers les autres en étant modéré.

    Wow ! Même en mode Diana, c’est encore trop fort. Que faire alors ?

    1. J’ai trouvé la réponse pas à « que faire » mais pourquoi nos dires sont pratiquement toujours mal interprétés par le grand nombre des gens, (je m’en réfère au livre de Carlos Tinoco « les surdoués et les autres ») ?
      Les normopensants ont un mur autour d’eux qui limite leur vision des choses, ces limites sont créées par toutes les anxiétés, les religions, les valeurs, les mœurs… qui sont inculquées depuis notre plus tendre enfance, depuis que l’homme est homme, le cerveau des gens fonctionnent ainsi contrairement aux hpi qui n’ont pas ce mur invisible et s’ils l’ont ils le franchissent allègrement.
      C’est pour cette raison que nous voyons la vie et bien d’autres choses différemment car nous n’avons pas ce mur qui nous empêche de voir plus loin.

      1. « Les normopensants ont un mur autour d’eux qui limite leur vision des choses, ces limites sont créées par toutes les anxiétés, les religions, les valeurs, les mœurs… qui sont inculquées depuis notre plus tendre enfance, depuis que l’homme est homme, le cerveau des gens fonctionnent ainsi contrairement aux hpi qui n’ont pas ce mur invisible et s’ils l’ont ils le franchissent allègrement. »
        Je pense que les HP sont tout autant susceptibles d’avoir une vision limitée pour toutes les raisons que vous citez.
        En revanche, la pensée divergente est une réalité, qui fait penser beaucoup plus loin que la moyenne.
        Et c’est d’ailleurs ce qui peut souvent expliquer le mal être de ceux qui sont tiraillés entre la conformité dans laquelle ils ont été éduqués et ce qu’ils « voient » grâce çà cette pensée divergente.

        1. oui et mille fois oui ! Comme il est primordial de se défaire de ces conditionnements. Et de s’autoriser à être qui l’on est et non pas qui l’on nous a fait croire qu’on était. C’est un très long chemin (ou pas) mais ça en vaut tellement la peine. Tellement. (la fille qui respire enfin)

          1. Je plussoie.
            Mes souffrances personnelles tiennent beaucoup au grand écart que je fais en permanence entre mes tentatives d’être à la hauteur de ma vision idéalisée de qui je devrais être et de comment je devrais me comporter, et la réalité de la plupart de mes actes, conformes aux attentes sociales ou aux schémas typiques, par conditionnement bien intégré (élevage/éducation/mimétisme/conformisme) et application presque maladive des règles apprises et assimilées

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